Comment l’innovation de rupture impacte le business model de l’Entreprise
Par Roland BROUTIN, Directeur de la Division INNOVATION du Groupe AURES
Nous l’avons vu dans un précédent post de « Parole d’Expert », l’innovation de rupture bouscule les habitudes de l’entreprise et donne le plus souvent naissance à de nouveaux business models.
Un business model définit le modèle économique d’une entreprise et la façon dont celle-ci ou des individus vont créer de la valeur et dégager des bénéfices ; il prend en compte les ressources mises à disposition, les principes de fonctionnement, les méthodes et processus utilisés, les règles appliquées, les valeurs concernées et enfin les publics ciblés.
Nous allons voir, avec quelques cas précis, comment ce business model va être modifié et impacté par la notion d’innovation de rupture.
La saga Nespresso
Nespresso, marque du Groupe Nestlé lancée en 1986 – avec qui j’ai travaillé sur de nombreux projets innovants (comme l’introduction de la technologie RFID dans leurs magasins) – a inventé comme chacun sait un nouveau système de capsules de café ; sa particularité est d’être utilisable uniquement avec des machines à café spécifiques développées par la marque sous licence et en partenariat avec des constructeurs renommés de matériels de ce type.
Parallèlement, la marque a révolutionné la distribution de café, en commercialisant ses dosettes encapsulées exclusivement dans des magasins en nom propre au positionnement haut de gamme – et non via la grande distribution.
Les fortes marges dégagées par le modèle Nespresso ont rapidement permis de financer des campagnes publicitaires redoutables en terme d’efficacité et d’image, des sagas devenues cultes dans de nombreux pays ; la cohérence du business model Nespresso en a fait une marque leader très attrayante pour ses publics cibles et a permis une création de valeur ajoutée significative dans la durée.
L’innovation proposée par Nestlé est donc bien une innovation de rupture, car elle a engendré un nouveau business model pour l’entreprise ; historiquement en effet, le métier d’origine de Nestlé était de vendre du café en sachets ou en pots au grand public, dans les supermarchés et les GMS. Le rôle des commerciaux Nestlé consistait donc à l’époque à négocier les meilleurs prix avec ces grandes surfaces.
L’arrivée de la Marque et du Club Nespresso ont révolutionné l’ancien business model de la commercialisation de café : le produit a été marketé comme une denrée haut de gamme destinée à des connaisseurs, à des gastronomes, au même titre que le vin, l’épicerie fine ou le chocolat de luxe ; Nestlé avec Nespresso est ainsi devenu un fabricant de machines à café et un gestionnaire de boutiques en nom propre dans le monde entier !
En final, Nestlé possède donc deux business models différents, c’est-à-dire deux manières différentes de vendre un seul et même type de produit. L’innovation Nespresso est bien une innovation de rupture pour Nestlé car au lieu d’utiliser les ressources dont il disposait, il a dû les réinventer presque intégralement.
L’innovation de rupture est donc un véritable défi pour une entreprise établie, d’abord parce que cette innovation correspond à un métier nouveau et demande de nouvelles compétences ; ensuite parce que ce nouveau métier entre parfois directement en conflit avec le métier historique de l’entreprise et peut donc venir le concurrencer, ce que l’entreprise doit anticiper.
Clap de fin et double échec pour KODAK
Le business case Kodak dans le domaine de l’innovation est édifiant. L’entreprise a bénéficié longtemps d’un statut de leader et d’une situation de quasi-monopole sur le marché des fabricants de pellicules photos et de films argentiques ; elle avait néanmoins réussi à anticiper l’arrivée du numérique, dont elle avait acquis assez tôt la maitrise, aussi bien au niveau technologique que financier.
Mais les résistances internes au changement et la peur de mettre en péril son activité principale et historique – et donc de perdre son statut de monopole – l’ont conduit à privilégier immobilisme et attentisme, en feignant d’ignorer la révolution en marche et en reportant sans cesse la décision de la transition puis du passage à la nouvelle technologie ; jusqu’à ce qu’il soit trop tard ; dépassée par des concurrents très tôt dans les starting blocks – comme Fuji par exemple – Kodak dut se résoudre à déposer le bilan en 2012.
Conclusion
La peur du changement, la crainte de perdre des parts de marché et la mise en concurrence de départements entiers d’une entreprise (concurrence entre activités et modèles traditionnels et nouveaux business models disruptifs) est une source de déstabilisation que certaines entreprises préfèrent ignorer, éviter ou repousser ; parfois à tort, car l’échec fait aussi partie des processus d’innovation et de conduite du changement dans la durée d’une entreprise.
Pour les entreprises du monde du Retail et du Point de Vente, oser l’innovation technologique est souvent difficile ; choisir les bons partenaires pour ce faire est souvent compliqué et le retour sur investissement peut parfois s’avérer délicat ; la Division INNOVATION du Groupe AURES a été créée pour aider et conseiller les Enseignes et les Marques dans leur mise en œuvre de solutions innovantes à valeur ajoutée. N’hésitez pas à nous consulter.
Articles et ouvrages de référence :
Ouvrages de Clayton M. Christensen : « The Innovator’s Dilemma » (1997) et « The Innovator’s solution » (2003)
Ouvrage de Philippe Silberzahn « Relever le défi de l’innovation de rupture » (Pearson – 2015) (https://philippesilberzahn.com/ouvrages/relevez-le-defi-innovation-de-rupture/)